AMH élevée : que signifie un taux d’AMH trop haut ?
Avoir un taux d’AMH élevé (au-delà des normes d’âge, par ex. > 5 ng/mL chez une trentenaire) peut sembler a priori une bonne nouvelle, puisqu’il reflète une réserve ovarienne abondante. Cependant, ce n’est pas si simple. Un niveau d’AMH anormalement haut est souvent le signe d’un déséquilibre hormonal sous-jacent.
AMH élevée et déséquilibre hormonal
En effet, dans la plupart des cas, l’AMH est très élevée chez les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Le SOPK est un trouble endocrinien caractérisé par une multitude de petits follicules « bloqués » dans les ovaires, une anovulation chronique et souvent un excès d’androgènes (hormones mâles). Ces nombreux follicules produisent chacun de l’AMH, d’où un taux total qui explose les compteurs par rapport à la normale.

Concrètement, une AMH élevée rime souvent avec OPK (ovaires polykystiques) - Échographie de droite . Par exemple, des chercheurs ont mesuré que les femmes SOPK peuvent avoir des taux d’AMH 2 à 3 fois supérieurs à ceux de femmes sans SOPK du même âge pubmed.ncbi.nlm.nih.gov. Plus l’AMH est élevée, plus les ovaires polykystiques produisent aussi des hormones mâles en excès, signe de troubles hormonaux globalement.
Donc pour faire plus simple
AMH élevée 2 a 3 fois supérieur à la norme = Ovaires polykystiques
AMH élevée = Production excessive d'hormones mâles
Bien entendu, le SOPK n’est pas la seule cause possible d’AMH élevée, mais c’est de loin la plus fréquente.
AMH élevée sans SOPK
D’autres situations rarissimes peuvent entraîner un AMH anormalement haut, par exemple certaines tumeurs de la granulosa de l’ovaire (qui sécrètent de l’AMH). Mais chez la femme en âge reproductif, si on découvre un taux très élevé sans stimulation hormonale en cours, on pensera d’abord au syndrome OPK. D’ailleurs, l’AMH tend à être tellement augmentée dans le SOPK que certains proposent de s’en servir comme critère diagnostic complémentaire.
AMH élevée et troubles hormonaux (anovulation, OPK…)
Un taux d’AMH largement au-dessus de la normale s’accompagne souvent de divers troubles hormonaux. Le cas typique est celui du SOPK évoqué ci-dessus : cycles irréguliers ou absents (anovulation chronique), hyperandrogénie (acné, pilosité accrue), parfois résistance à l’insuline, etc. Les ovaires polykystiques présentent de nombreux follicules, mais ces derniers n’arrivent pas à maturité et n’ovulent pas correctement. L’AMH y est élevée car produite en masse par tous ces follicules bloquési.On peut voir cela comme un paradoxe : la femme a “beaucoup d’ovules” en réserve, et pourtant elle ovule rarement et peut avoir du mal à concevoir. La qualité ovocytaire peut aussi être altérée par le déséquilibre hormonal (par exemple, un excès d’androgènes ou d’insuline peut nuire au microenvironnement de l’ovocyte).
Plus généralement, une AMH élevée peut indiquer une surréponse ovarienne. Par exemple, certaines jeunes femmes sans SOPK franc vont juste avoir une réserve exceptionnellement haute – on les appelle parfois “high responders” en PMA. Cela signifie qu’en cas de FIV, il faudra faire attention au risque d’hyperstimulation ovarienne (syndrome d’hyperstimulation qui peut survenir quand trop de follicules sont recrutés).
Les médecins ajustent les doses de stimulation en conséquence. À l’inverse d’une AMH basse qui signale une faible réponse, une AMH très haute signale une réponse excessive potentielle. D’ailleurs, une étude a noté qu’à chaque augmentation d’1 ng/mL d’AMH, les chances de devoir annuler un transfert frais à cause d’une hyperstimulation augmentaient (d’où au final un taux de naissance par cycle un peu plus faible chez les AMH très hautes, car on évite parfois de transférer dans ces conditions)
En dehors du cadre de la PMA, si vous découvrez une AMH élevée, il convient de vérifier votre équilibre hormonal global. Un bilan pourra inclure la mesure de la LH, FSH, œstradiol, testostérone, DHEA, prolactine, thyroïde… afin de voir si tout est en ordre. Parfois, de légers syndromes OPK se manifestent juste par une AMH un peu au-dessus de la norme et des cycles légèrement longs, sans autres symptômes. Dans tous les cas, ce n’est pas l’AMH élevée en soi qui pose problème, mais la condition sous-jacente qu’elle reflète.
Petit rappel :
AMH élevée et syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) mérite une attention particulière, étant la situation emblématique associée à un taux d’AMH haut. Dans le SOPK, rappelons-le, les ovaires contiennent un grand nombre de petits follicules (d’où le terme “polykystique”, bien que ce ne soient pas des kystes au sens pathologique). Ces follicules sécrètent tous de l’AMH, ce qui fait que les femmes OPK ont souvent une AMH bien supérieure à la normale pour leur age. C’est même parfois le premier indice : on voit une AMH étonnamment élevée chez une patiente qui consulte pour des règles irrégulières, ce qui oriente vers le diagnostic de SOPK.
D’un point de vue fertilité, le SOPK est un peu l’opposé de la faible réserve ovarienne : ici, la réserve ovarienne est pléthorique. On pourrait penser que c’est une bonne chose, mais le problème est que ces nombreux ovocytes ne parviennent pas à maturité correctement. Il y a un blocage de l’ovulation. Le SOPK s’accompagne souvent d’un excès d’hormone lutéinisante (LH) et d’androgènes, qui perturbent la croissance folliculaire normale. Résultat, cycle après cycle, les follicules commencent à pousser puis stagnent, sans qu’un follicule dominant n’ovule. L’AMH reste élevée car tous ces follicules “retenus” continuent de la produire.
AMH elevée - qui entraine une LH élevée - qui entraîne un excès d'androgènes - bloquant l'ovulation
Des travaux ont montré que chez les SOPK, l’AMH élevée pouvait elle-même contribuer au cercle vicieux en inhibant la sensibilité des ovaires à la FSH (hormone stimulant les follicules)pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.
Malheureusement avoir beaucoup de follicules n’assure pas une bonne fertilité. Souvent, il faut aider un peu ces ovaires paresseux à ovuler, via des traitements inducteurs de l’ovulation (comme le clomifène ou le létrozole) ou d’autres techniques.
La bonne nouvelle pour les femmes SOPK est que leur réserve ovarienne abondante leur confère une fenêtre de fertilité prolongée dans le temps. Là où une femme avec faible réserve voit sa fertilité décliner tôt, la femme SOPK pourra potentiellement ovuler plus tard dans la vie, parfois jusqu’à la quarantaine avancée, car ses ovaires ont encore des ovules en stock. Le défi est de réussir à les faire ovuler régulièrement. Avec l’aide médicale (et souvent des changements de mode de vie : perte de poids si nécessaire, exercice physique, diète à index glycémique bas pour améliorer l’insulino-résistance…), de nombreuses femmes OPK parviennent à avoir des grossesses. Leur taux d’AMH peut mettre des années à redescendre dans la norme, ce qui montre bien qu’elles ont une “caisse pleine” de follicules – un avantage à long terme, à condition de gérer l’aspect hormonal.
(Pour plus de conseils sur le SOPK, vous pouvez consulter notre guide dédié au SOPK et bilan hormonal sur le site Imane Harmonie.)
AMH élevée et qualité des ovocytes
Est-ce qu’un taux d’AMH très élevé garantit des ovocytes de qualité ? Pas du tout. Comme expliqué, l’AMH ne reflète pas la qualité ovocytaire, et dans le cas du SOPK ou autres conditions hyperfolliculaires, la qualité peut même être compromise. Plusieurs raisons à cela : d’une part, les désordres hormonaux associés (excès d’androgènes, insulinémie élevée) peuvent nuire au développement des ovocytes. D’autre part, dans les ovaires polykystiques, on trouve beaucoup de follicules immatures. Or un follicule qui n’arrive pas à maturité donnera un ovocyte immature, non fécondable ou donnant un embryon de piètre qualité. C'est pourquoi prendre des compléments alimentaire pour améliorer la qualité des ovocytes et fondamentale.
Une étude classique (Pigny et al., 2003) a bien montré que chez les patientes SOPK, l’augmentation de l’AMH est liée à l’accumulation de petits follicules de 2–5 mm, et qu’en dépit de leur nombre, ces femmes ne présentent pas de meilleurs taux de fertilité spontanée pubmed.ncbi.nlm.nih.govpubmed.ncbi.nlm.nih.gov. Autrement dit, quantité ne rime pas avec fécondité. D’ailleurs, en FIV, si les femmes SOPK produisent un grand nombre d’ovocytes, on observe parfois un taux plus élevé d’ovocytes immatures lors de la ponction. Heureusement, en améliorant le protocole (par exemple, en décalant le déclenchement ovulatoire ou en ajoutant des médications pour favoriser la maturation ovocytaire), on peut obtenir de bons embryons. De nombreuses femmes SOPK ont ainsi des bébés en ayant initialement une AMH de 8 ng/mL et plus !
À l’inverse, on pourrait penser qu’une AMH élevée signifie qu’on a largement “le temps” pour faire des enfants. C’est en partie vrai – une femme OPK ne sera que rarement en ménopause précoce – mais ce n’est pas une raison pour trop repousser, car encore faut-il que les ovulations se produisent. Si à 30 ans on n’ovule quasiment pas, il faudra peut-être déjà une aide médicale pour concrétiser la grossesse, même si la réserve ovocytaire est celle d’une femme de 20 ans. Donc qualité et ovulation priment sur le chiffre brut de l’AMH.
En résumé, une AMH très élevée doit être interprétée prudemment. C’est une chance en termes de réserve, mais cela peut cacher des troubles hormonaux nécessitant un équilibrage. La priorité sera de rétablir des ovulations régulières (par perte de poids, traitements hormonaux, etc. selon la cause). Une fois l’équilibre hormonal atteint, ces femmes ont d’excellentes chances de conception, car elles disposent en effet d’un grand réservoir d’ovules potentiellement utilisables.
(Pour évaluer où se situe votre taux par rapport à la normale et recevoir des conseils adaptés, n’hésitez pas à utiliser notre Calculateur AMH en ligne, qui estime votre réserve ovarienne en fonction de votre âge et de votre AMH.)